1660 : Émigration des frères Briand

Portrait d'une famille de maçons (1/3)


Maçons et tailleurs de pierre sur un chantier au XVIIe siècle 
[Gravure d'époque. Source : blog d'ASEPA, Histoire du Vieux Pont]

Parmi mes ascendants, j'ai pu remonter jusqu'à Jean BRIAND (ca 1600-) et Jeanne MAROT, qui résidaient à Droux en Basse Marche, aujourd’hui Haute-Vienne, Limousin, village proche de Bellac au nord de Limoge. Ce couple est à l'origine de tous les Briand de Saint-Jean-de-Liversay et Benon (Charente Maritime), ainsi que de ceux de Saint-Florent et Saint-Symphorien (sud de Niort, Deux-Sèvres) [liste de cette famille sur Généanet].



Migration des frères Briand ca 1660 : 
de Droux vers Saint-Symphorien (Léonard), et Saint-Jean-de-Liversay (Joseph).

Des enfants de Jean BRIAND et Jeanne MAROT, nous ne connaissons avec certitude que deux frères, Léonard (ca 1628-1708) et Joseph (ca 1633-1674), qui étaient tous deux maçons. [1]

Joseph émigre vers 1661 en Charente Maritime à Saint-Jean-de-Liversay, situé entre Niort et la Rochelle, à près de 150 km de Droux. En septembre, il y est parrain de Joseph RIMBERT. Anne PELLETREAU, sa future épouse native de Saint-Jean, est marraine du même enfant.

Léonard est cité deux ans plus tard, en 1663, à l’occasion du mariage de son frère. Après cela, il semble s’être établi un peu plus à l’est dans les Deux-Sèvres, avec Jeanne DUMAS. Il fonde avec elle la branche des Briand de Saint-Symphorien (qui y seront encore présents au XIXe siècle), mais sans que l’on sache précisément à quelle date : est-ce vers 1670, lorsqu'il est fait mention de lui pour la première fois dans les registres de cette paroisse ? Difficile aussi de savoir avec certitude où il réside, car si ses enfants habitent Saint-Symphorien (en particulier les maçons Christofle et Laurent), c'est à Saint-Jean-de-Liversay que Léonard décède en 1674.

L'origine de Jeanne DUMAS, épouse de léonard, est tout aussi incertaine. En novembre 1670, Pierre PRUNIER n'est curé à Saint-Symphorien que depuis trois mois lorsqu'il rédige l'acte de décès de leur fils Martin. Il indique qu'ils sont originaires de Droux, mais il les connaît encore mal et il se réfère à une « Jeanne DUMONT ».

Les DUMAS, dont un couple, Jean DUMAS et Catherine BRUNET, est présent dans les registres de Saint-Symphorien durant la première moitié du XVIIe siècle, sont peut-être les parents de Jeanne. Les dates correspondent, mais Léonard et Jeanne, qui se sont mariés vers 1646, ont apparemment vécu à Droux.

Plusieurs siècles durant, les maçons Limousins s'exportent dans les départements voisins. On notera ainsi le baptême de Pierre BARBE en janvier 1634, à Saint-Symphorien, dont le parrain est Simon de PÉROUILLÉ, originaire lui aussi de Droux, ainsi que le décès, à Saint-Jean-de-Liversay, de Martin BILBAU en décembre 1704, autre maçon originaire de Droux. De Pont-Saint-Martin, une autre famille de maçons vient s'établir à La Foye-Monjault dès 1746, avec Jean BONNIN, époux d'Anne BAUDIN. Ils seront rejoint en 1804 par Pierre CUBAUD, tailleur de pierres originaire de Darnac.

A quoi ressemblait la famille de nos maçons ? 
Ce tableau représente une famille de paysans contemporaine des frères Briand.

Contexte historique

La France traverse au XVIIe siècle de grandes crises qui ont dû profondément influencer le destin de nos gens. À commencer par les Dumas. Jean DUMAS et Catherine BRUNET se marient en 1630, date de la naissance estimée de Jeanne. C'est en novembre de la même année que Richelieu triomphe de ses ennemis lors de la journée des Dupes, contraignant Marie de Médicis à l'exile.

Dès 1624, les épidémies de peste ravagent l'ensemble du royaume. Elles atteignent leur apogée après l'hiver particulièrement rude de 1631, désorganisant le commerce. Les villes perdent entre le tiers et le quart de leurs habitants, et nombre d'entre eux fuient vers les campagnes. De 1626 à 1629 les récoltes sont désastreuses, entrainant la disette et les révoltes (appelées les émotions). Le Poitou-Charentes est un fief huguenot : en 1627, Richelieu fait assiéger la Rochelle. Sous Louis XIII, le royaume, qui poursuit à partir de 1629 une politique d'hégémonie en Europe, est constamment en guerre, ce qui va entraîner l'accroissement des impôts et l'appauvrissement de la population. Au total, entre 1627 et 1631, la France perd 20% de sa population (soit près de deux millions de morts). Afin de survivre, de nombreux paysans sont contraint de vendre leurs terres à bas prix.

Jean et Catherine sont présents dans les registres jusqu'à la naissance de leur fils Jean, en 1634, mais disparaissent après cela. S'ils sont bien liés à Jeanne, il est possible que cette famille ait été en parti décimée, ou qu'ils soient repartis, peut-être vers Droux.

De 1635 à 1659, la France est en guerre contre l'Espagne. Mais la montée de l'autorité monarchique (Henri IV, puis Louis XIII et Richelieu) provoque la révolte des parlementaires, des grandes familles nobiliaires et de leur clientèle en province. C'est la crise de la Fronde de 1648 à 1653, qui entraîne à nouveau famines et épidémies (un million de morts).

Épisode de la Fronde : Mazarin fait arrêter des parlementaires à Paris en 1648.

L'hiver de 1660 est l'un des plus durs qu'ait connu la France : la Seine reste gelée plusieurs mois durant, le Rhône gèle aussi. En 1661, qui voit le décès de Mazarin et la prise du pouvoir par Louis XIV, c'est la crise de l'avènement. L'hiver est de nouveau très dur, avec à Paris la Seine prise par les glaces en décembre, et des gelées continuelles jusqu'en Mars. Les récoltes sont désastreuses. La terrible famine et les épidémies qui s'ensuivent font encore un million et demi de victimes. C'est à cette époque que Joseph et Léonard émigrent en Charente-Maritime et dans les Deux-Sèvres.


La mort de Mazarin en mars 1661, qui précède la prise de pouvoir par Louis XIV, la même année. 

L'expulsion par Louis XIV des protestants de la Rochelle en novembre 1661. 
Conflit qui s'inscrit dans la continuation de celui qui avait vu le siège de la ville, 
30 ans plus tôt, par Richelieu (Guerre anglo-française de 1627-29).

Durant les années qui suivirent, le chantier de Versailles absorba une main d'oeuvre considérable (plus de 36,000 personnes y furent employées, parmi lesquelles de nombreux maçons). Est-il concevable que des maçons limousins (et peut-être même Léonard et Joseph) aient pu s'y rendre et y participer ?

La construction du château de Versailles dans les années 1670,
où furent employés de nombreux maçons de provenance diverse.


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Note

[1] Au début du XVIIIe siècle, Léonard, Joseph et Christofle sont des prénoms que l’on retrouve fréquemment dans les registres de Droux, qui débutent en 1707. En décembre 1708, il y nait un Léonard [LE]BRIAND, et en avril 1710 une Jeanne MAROT, fille de Léonard, maçon. On est d’ailleurs surpris par le nombre étonnant de maçons qui habitent la paroisse (profession mentionnée dans près d’un acte sur deux). Vers 1710, il se trouve toujours à Droux plusieurs descendants de la famille Briand, dont Jacques, maçon, époux de Marie MASLE, ainsi que de la famille Marot, dont Françoise, épouse de d’Albert MASLE, ou Léonard, époux de Françoise GUINBARD. On note aussi à Saint-Symphorien, au tout début du XVVIIe siècle, le couple François MAROT et Marie VILLAIN, peut-être lié à ceux de droux. Par contre, il n'y a plus aucun DUMAS à Droux à cette époque.

Liens :

Portrait d'une famille de maçons (2/3) :
Le métier de maçon au XVIIe et XVIIIe siècle

Portrait d'une famille de maçons (3/3) :
Laurent Briand propriétaire en 1688 à Saint-Symphorien

Étymologie du patronyme Briand